Le dessin est à l'artiste peintre et au sculpteur ce que le verbe est à l'orateur et à l'écrivain, la note au musicien. L'Homme y ajoute son caractère et sa culture ; la créativité fait le reste. Toute expression est en effet la confluence d'un savoir, d'une personnalité et d'un don, trois conditions qui, réunies, sous-tendent l'émergence d'une œuvre ; celle-ci est alors unique, vraie et sincère lorsqu'en plus le don permet à la personnalité de faire oublier le savoir...

A l'évidence, J.TOLLET-LOEB illustre ce postulat, fondement de toute œuvre artistique.

Cela fait plus de vingt ans que j'ai rencontré J.TOLLET-LOEB au Salon des Artistes Bas-Normands. J'ai suivi sa route. Sans provocation, ni effets médiatiques, sans trucages ni souci de plaire, l'artiste a cheminé dans les turbulences de la peinture contemporaine évitant l'aliénation du "in" et de l'éphémère. Bien décidée à rester fidèle à elle-même, J.TOLLET-LOEB s'est laissée conduire essentiellement par le plaisir de traduire la face cachée de la vie, celle qui exige une sensibilité exacerbée pour être perçue. En cela son œuvre a pris un caractère confidentiel et intimiste qu'elle puise dans le jardin secret des êtres et des choses.

A ce titre, ses portraits sont très significatifs ; qu'ils soient à l'aquarelle ou au pastel, technique qui sied à merveille à l'artiste pour dépeindre l'homme dans sa nature et ses habitudes, ils sont toujours une sorte de journal privé par la vérité de leur visage et leur expression...  « Le vrai n'est pas la même chose que le réel » affirmait Gustave Courbet car il transmet la dimension intérieure que le visible seul n'apporte pas.

Là est probablement la raison de l'intérêt particulier de J.TOLLET-LOEB pour le monde du carnaval et des masques car le non-dit et non-vu sont des supports fondamentaux de son imaginaire et de sa créativité. La vie est au-delà de l'enveloppe. Elle se détecte plus dans le mouvement et dans la sensualité des rapports humains. Elle s'exprime par le choix des objets et dans la relation du sujet avec son milieu qui définit l'affect de chaque être. Aussi faut-il qu'une communion véritable s'établisse avec "l'autre" pour que l'artiste saisisse sur sa toile l'indéfinissable sans fard ni faux-semblant, avec seulement la volonté d'être soi-même dans le regard qu'il porte sur l'homme.

La toile est par la même une surface de communication profonde et de créativité spontanée ; la part des sens devient priorité, la technique s'effaçant devant le sentiment. Ici, point de lourdeur par un trait trop généreux ou trop rigide, le dessin suggère et se noie dans un festival de couleurs où rythme et harmonie vont de pair pour créer un univers musical et poétique.

Le lecteur se trouve alors à son insu entraîné dans le mystère et rêve qui lui font oublier un instant l'inquiétude du devenir. N'est-ce pas l'une des vocations de l'art d'apporter à l'homme l'apaisement de la sérénité.

Bernard Trehet
Président de Normandie Terre des Arts